EXPOSITION DU 10 JUIN 2016 AU 30 JUILLET 2016

Gilbert 1 est né en 1980 à Epinal. Il a exposé et peint à Paris, Lyon, St Etienne, Marseille, Stuttgart, Berlin, Rome, Turin, Barcelone, New York, Los Angeles, San Francisco ou encore Amsterdam. Il vit actuellement à Nancy (54).
Issu de la scène du graffiti (qu’il commence dès le début des années 2000) il déploie son œuvre du mur à la toile, de la photographie aux installations, de la sculpture à la peinture. Artiste autodidacte et pluridisciplinaire remarquable, c’est en maniant tous les outils et en en maitrisant toutes les techniques qu’il a trouvé matière à surpasser une réalité qui l’affecte, une société qui le dépasse. Ses œuvres aux allures fragiles en dépeignent les tourments, ses matières brutes en trahissent les violences. Mais ses couleurs vives en portent l’espérance.
Si tout ne semble que chaos, Gilbert1 minutieusement reconstruit, repeint et fixe matières et matériaux. Il réinvente, use des objets qui parsèment sa quête, les colorise, les installe, les dispose. Il en fait des frêles sculptures, des peintures monumentales ou des installations manifestes (comme celle produite à la résidence artistique des Bains Douche à Paris en 2012).
Il se dit amoureux du geste de Mathieu, influencé par le travail de Miro, Tapies, Picasso. Enfant de l’Art Brut, attaché au « graffuturism »*, à l’architecture de Gaudi et aux œuvres de Georges Rousse. Mais Gilbert1 est avant tout inspiré par des lieux qu’il parcourt (et dans lesquels il peint encore et fait résidence artistique) par l’histoire qui marque l’homme et son temps. Par les architectures qu’il dévisage et les rues qu’il envisage. Il fait outil de ses couleurs. Il ne remplit pas, ne cache pas, mais révèle. Fortement attaché au vécu de ses trouvailles, il en extrait l’essence, en détourne le sens et leur donne nouvelle vie.
Autour de huit travaux sur papier et d’une quinzaine d’assemblages/sculptures, L’exposition « Out of Control » nous dévoile une partie de son univers.
Carton, bois, papier, forment l’ossature de ses œuvres en volume. Manuscrits, ferraille, couleurs et transparences leur font résonnance. Il use de chacun de ses éléments avec pertinence. En extirpe les qualités et en défini une harmonie. Conserve son vécu. Le clou reste alors rouillé, la feuille froissée, la baguette cassée, la couleur conservée. Mais avec talent, il les recolle, les juxtapose, les rassemble. Minutieux à l’extrême, il pose chaque pièce en son parfait domino, en détermine le point de fuite, en cherche la rupture imminente. Mais évitée, déjouée, trompée elle révèle une œuvre posée dans un impressionnant équilibre.
C’est probablement dans cette maitrise que les sculptures de Gilbert1 nous touchent tant. Dans ces minuscules morceaux d’âmes qu’elles transportent et qu’il a su préserver. Dans son ingéniosité à les marier. Dans cette chaleur qu’elles dégagent, de leurs couleurs naturelles ou savamment disposées. Et alors qu’elles nous semblent si fragiles, faites d’autant de vides que de pleins, comme faites de rien, sorties de ses mains, elles transforment le chaos en somptueuse harmonie.
Transposées sur la surface plane d’un écrin transparent de plexiglass, elles n’en semblent que plus précieuses.
Accrochées elles se font impertinentes et bouleversent la noblesse – devenue archaïque – d’une toile classique. Posées elles deviennent temple des vestiges.
Faits de noirs et de blancs, ses dessins sont finesse et minutie. Hérité de sa calligraphie, son geste est assuré, son trait précis. De son travail de sérigraphe, l’amour du support. Du graffiti le « flow », une ondulation, un sens de lecture. Il se joue d’ambivalences : Au pointillisme d’un jet de spray répond une ligne crayonnée. A une courbe, sa diagonale. Au noir, son blanc. Il jette alors, dépeint, produit en quelques traits, son mouvement éclatant, jaillissant, puissant et contrôlé.
« Celui qui maitrise la ligne, atteindra la perfection en chacun de ses arts » disait le peintre et architecte italien Vasari (1511-1574). Qui mieux que Gilbert1 pourrait en être le disciple ?
Gilbert1 construit autant qu’il peint. Harmonise autant qu’il révèle. Juxtapose autant qu’il déconstruit. Expérimente sans cesse, fait sienne une quête perpétuelle. Remet en jeu dans chacun de ses gestes, le moindre de ses acquis. Son œuvre en est d’autant plus sensible et attachante. Son talent évident. Il nous transporte, nous interroge. Sans jamais aucune agressivité et sans jamais s’imposer, il nous percute.
Je conserverai toujours en mémoire, sortie d’une malle austère, au gré d’un diner mondain, cette toute première sculpture que j’ai vue de lui. Aérienne, inhumaine, fragile, tangible, rectiligne, douce, sensible, attachante… Et qui pourtant ne fut jamais mienne. Mais Il n’est de plus magnifique œuvre que celle qui hante nos mémoires et imprime notre rétine… Elle n’en devient que plus intime.

* Terme mis en place par l’artiste américain Poesia en 2010 qui propose de regrouper dans un même courant, des artistes du graffiti dont le travail s’éloigne de la lettre, (l’élément noble) pour s’ouvrir à une plus grande abstraction, souvent autour d’une géométrie riche et savante ou d’une figuration déconstruite. Il peut être attaché au courant futuriste italien du début du 20ème siècle dont l’objet était un rejet de la tradition esthétique.

Valériane Mondot