EXPOSITION DU 11 DECEMBRE 2015 AU 16 JANVIER 2016

Stew, l’exil rêvé

Voilà quelques années déjà que Stew a choisi son pays intérieur. Le Japon l’a happé dans les replis de ses images rêvées. Masques de kabuki, amants fébriles, guerriers énigmatiques se sont invités sur ses collages, ses fresques, ses tableaux. Dragons et samouraïs convoquent un imaginaire lointain. L’un de ses personnages récurrents : Jizo, créature protectrice, gardienne de temple – et fétiche bienveillant de l’univers de Stew. L’artiste se nourrit des estampes qu’il traque. Il en retient la délicatesse des motifs, la séduction de personnages à l’identité ambiguë, volontiers androgynes. Le goût des gestes fluides et des poses élégantes, suspendues, atemporelles. Peut-être aussi la force des vignettes dépourvues de profondeur, par larges à-plats rehaussés de bordures sombres, et qui frappent ainsi au plus vif. Il réinvente les trames subtiles des kimonos et autres textiles raffinés, travaillant ses fonds avec le souci du détail gracieux. Non sans humour, souvent : il joue ainsi à décliner sa galerie de portraits devenus familiers, la déplace, la réinvente. Jusqu’à greffer la banane d’Elvis à une de ses silhouettes du soleil Levant. Clin d’œil encore, il va jusqu’à utiliser des journaux venus de l’archipel comme support de création…

Le Japon réel, il ne l’a pas encore arpenté. Il attend son heure, conscient que les grandes rencontres ne se décrètent pas, mais prennent leur temps.

En attendant cet envol, des nuées d’oiseaux aux couleurs de plus en plus vives envahissent ses œuvres, gagnant les premiers plans. L’un des plus fondateurs dans son parcours ? Un immense héron bleu de 52 mètres de haut, sur un mur du treizième arrondissement parisien – de quoi s’autoriser toutes les audaces par la suite ! Les créatures ailées se multiplient au fil des pochoirs, là encore inspirée d’une minutieuse iconographie, qu’il recompose à son gré, du colibri au phénix… Issu de la seconde génération du graffiti parisien, Stew en a sans doute gardé le sens d’une création immédiate, la confiance dans le geste qui jaillit. Et qui s’épanouit désormais en vagues de couleurs joyeuses et hypnotiques…

Sophie PUJAS