EXHIBITION FROM APRIL 17th until JUNE 13th 2015

ARDPG m’accueille aux pieds de son atelier.
A évoluer dans son espace de murs de briques et de structures métalliques – lieu hors du temps pour un artiste bien de son temps – je me rends compte que de son travail, j’en connais bien peu. Si ses stickers posés dans le métro et les rues parisiennes avec leurs messages humoristiques m’ont interpellée, ils ne représentent en fait qu’une infime partie de son talent. De toiles en panneaux, de lettres posées en découpages préparés, de couleurs à camaïeux de gris, disposés ainsi dans l’atelier et alors que tout semble les opposer, un indicible lien semble les rallier.

ARDPG commence par le graffiti dans les années 90 et produit des toiles dès le début des années 2000. Licencié de Design à l’école d’architecture de Bordeaux, ses premières toiles exposées dès 2003 dépeindront des univers architecturaux aux allures sages. Mais codes et références d’un mouvement qu’il ne saurait taire, s’immiscent en fond. Une trame est lancée.

Ses jalons posés, titulaire d’un DEA en histoire de l’art qu’aujourd’hui il enseigne à l’école de Condé à Paris, ARDPG en infatigable chercheur construit et déconstruit ses images. « Je n’ai pas d’œuvres ultime. J’ai cent idées à l’heure. J’aime chaque œuvre, mais chaque œuvre est un éternel questionnement ». Et sans jamais cesser ses actions In Situ, questionnant sans cesse son spectateur, ARDPG pousse peu à peu la rue dans l’atelier.

Papiers et supports glanés dans le métro, à l’extérieur ou sur les chantiers. Détournés, collés, découpés, déchirés, repassés, ils servent de fonds à ses toiles d’atelier. Au bleu des affiches du métro répond un Yves Klein. Aux découpages successifs un Villéglé. Un pochoir au Street art. Un tag au Graffiti. Mais là où l’œil est volontairement trompé, l’esprit lui est renseigné : Déposant une phrase iconique sur ses fonds vécus, ARDPG donne une lecture de son œuvre. Avec humour et pertinence il n’a cesse de se jouer de nous et de nous éveiller.

De ses racines – l’art et son l’histoire – ARDPG fait de ses « Versus » un hommage aux Maîtres de l’art. Sur fonds de Madone, de déjeuner sur l’herbe, de ruines et de batailles romaines, de calvaire, de gloires et de médailles. Entre Raphaël, David, Manet ou encore Géricault. Allant du kitch au classicisme le plus prestigieux, ARDPG nous happe et nous questionne. En bandes transversales égales ou en déchirures frontales, l’œil choisit librement entre passé ou contemporain. « Cette confrontation graphique et historique est un moyen de nous rappeler que l’art actuel se nourrit des œuvres des siècles précédents, tout comme il nourrira à son tour les œuvres des siècles à venir ». Il choisit avec attention les détails qu’il laissera apparaître, les couleurs qui se répondront. Travaille au choix l’œuvre et le sujet pour « que tout à chacun puisse l’identifier ». Et laisse perceptible son acte créatif « par simple respect de l’œil et la manière ».

Il est bien là cet indicible lien ! Dans cette démarche élaborée, cette offrande aux regards, cette confiance faite au spectateur. A cet attachement à l’art – et quel qu’il soit – à ce jeu percutant qu’il instaure sans cesse, à ses mots, à ses couleurs. A cette superbe tromperie de notre œil qui éveille nos sens et nos esprits. A cette honnêteté du partage. A cette humble pertinence. Ou comment d’une idée, d’un talent, d’une générosité (que son œil malicieux n’a su dissimuler) réussir le pari d’installer l’âme de la rue, la liberté et son vécu, dans l’amphithéâtre d’un atelier et l’espace clos d’une galerie ? Pour ça, à notre tour de questionner l’artiste…

Valériane Mondot